C’est quoi le diabète ?
Dès qu’une personne apprend qu’elle est atteinte de diabète, il est tout à fait normal que la première chose qu’elle fasse, c’est de s’informer, d’abord auprès de son médecin traitant (le plus qualifié pour l’aider à ce moment), ensuite à travers la quantité énorme d’articles et de publications disponible sous diverses formes à l’heure actuelle. A commencer par la toile. En effet, en cherchant dans un bon moteur de recherche, on trouvera en quelques clics tout ce qu’il y a lieu de savoir sur le sujet avant d’entamer un traitement. Mais voilà, dans cette masse d’information il y a à boire et à manger: il y en a destinée au professionnels, aux scientifiques (donc par définition souvent compliquée à comprendre), et à côté il y a aussi ce qui est proposé au public, et là, on trouve de tout : des vérités et des contre-vérités, des messages de type publicitaire, des commentaires de patients, etc.… Que croire et comment faire un tri dans tout cela ?
Comme médecin, je me suis trouvé devant le même problème, bien que j’aie reçu l’instruction et la formation nécessaires sur le diabète lors de mes études. Mais la médecine évolue à grand pas et j’eus d’urgence à me mettre à jour. L’esprit critique et scientifique acquis à l’université me fut d’une grande aide pour discerner les bons des mauvais articles, les études cliniques valables et celles contenant des biais, sans parler de certaines mensongères, souvent par omission d’information, ou encore celles franchement suspectes de connotation publicitaire.
Même malgré l’expérience acquise au cours des années de pratique médicale, ce fut loin d’être facile de me faire une opinion claire et nette, me garantissant le traitement correct ou idéal, pouvant me donner l’espoir d’aboutir à, sinon une guérison, du moins un évitement des complications, qui désormais me pendaient au-dessus de la tête comme une épée de Damoclès. Sans entrer dans trop de détails pour le moment, je présente ici au lecteur l’essentiel de ce qu’il faut savoir avant tout sur le diabète, afin d’aider un nouveau patient diabétique à prendre la bonne direction vers la voie d’au minimum une sérieuse amélioration.
Le principal à savoir avant tout traitement antidiabétique se résume comme suit :
Ø Le diabète dit « sucré » est un dérèglement du métabolisme des glucides, c.à d. des sucres.
Ø Normalement, le taux de glucose dans le sang (glycémie) est parfaitement réglé grâce à principalement deux hormones à action antagoniste secrétées par le pancréas : l’insuline et le glucagon.
Ø Dès que cette glycémie dépasse certaines normes, généralement à cause d’une insuffisance de l’insuline, il y a diabète. Le rôle de l’insuline est de maintenir un taux de glucose normal dans le sang en permettant à ce glucose-carburant d’être assimilé par les cellules du corps afin de pourvoir celles-ci en énergie. Le glucagon fait le contraire : en cas de glycémie abaissée (hypoglycémie), il active la production de glucose dans le foie afin de ramener cette glycémie à une concentration normale dans le sang.
Ø Il existe différents types de diabète, classifiés en fonction du genre de dérèglement :
o Lorsque les cellules β du pancréas ne produisent plus du tout d’insuline (baisse de sécrétion absolue et rapide), il faut apporter cette hormone à tout prix à l’organisme par voie sous cutanée, sinon le malade ne peut survivre : c’est le diabète de type 1 ou diabète insulinodépendent (DID). Autrefois, on l’appelait aussi diabète juvénile, parce qu’il survient surtout chez des sujets jeunes.
o Lorsque les cellules β du pancréas s’épuisent tout doucement et se mettent à produire moins d’insuline, et/ou que l’insuline produite ne remplit plus bien son rôle, c.à d. qu’elle n’a plus son effet voulu sur les cellules cibles (insulinorésistance), les taux de glucose montent progressivement, mais irrémédiablement dans le sang : c’est le diabète de type 2 ou non insulinodépendant (DNID), car la baisse de la sécrétion d’insuline y est relative. Son traitement ne nécéssite donc pas d’insuline d’emblée, bien que celle-ci devienne nécessaire lorsque les glycémies dépassent les taux à respecter pour éviter les complications. Avant, on nommait aussi ce type de diabète celui de la vieillesse, car on ne le diagnostiquait qu’à partir d’un certain âge. Aujourd’hui, son incidence touche aussi les jeunes. C’est essentiellement ce type 2 que nous discuterons dans ces pages, car c’est son incidence qui connaît la plus forte augmentation.
Nous revriendrons sur les différences, la symptomatologie et le traitement de ces 2 types de diabète ultérieurement.
o Différents autres types de diabète existent, notamment le diabète de la grossesse (diabète gestationnel) et les diabètes secondaires à d’autres maladies, mais de cela aussi, nous discuterons plus tard.
Ø L’incidence du diabète connaît actuellement une flambée inquiétante, tant dans les pays industrialisés que dans ceux en voie de développement qui se sont mis au mode alimentaire industriel occidental. Ceci entraîne non seulement des problèmes d’organisation médicale (trajets de soins, etc.…), mais comporte un coût exorbitant à la société. En France, cela contribue probablement aux déficits croissants de la Sécurité Sociale, puisque les frais des diabétiques sont pris en charge à 100% (affection longue durée, ALD).
Ø Les causes du diabète sont multiples et complexes. Pour ce qui est du diabète de type 2, son incidence galopante s’explique pour une part par l’hérédite, mais surtout par des causes alimentaires et comportementales (nous y reviendrons largement dans les articles à suivre).
Ø L’évolution du diabète :
o Dans le diabète de type 2, il s’agit d’une progression généralement très lente, à bas bruit, donc asymptomatique pendant parfois des années. A cause de cela, le diagnostic se fait souvent trop tardivement, ce qui laisse le temps au lésions, souvent déjà présentes, de s’aggraver. D’habitude, le traitement consiste à régler la glycémie d’une manière optimale, ce qui permet d’éviter ces complications. On commence généralement par une adaptation progressive du régime alimentaire et par la pratique d’une activité physique régulière. La médecine naturelle (essentiellement la phytothérapie et certains compléments alimentaires) ont également un rôle à jouer. On n’instaure des médications chimiques que si les glycémies continuent à grimper au-dessus des limites fixées. Et seulement quand celles-ci ne suffisent plus non plus à maintenir des taux plasmatiques de glucose acceptables, on passe à l’insulinothérapie.
o Le diabète de type 1 étant la conséquence d’une maladie auto-immune détruisant à court terme la totalité des îlots de Langerhans du pancréas, la production d’insuline endogène des cellules β du malade tombe donc pratiquement à zéro. On observe alors une montée beaucoup plus rapide des taux plasmatiques du glucose que dans le diabète de type 2. Le pronostic du type 1 sera par conséquent plus réservé et nécéssitera d’emblée de l’insuline exogène, titrée correctement, afin d’abaisser l’hyperglycémie, mais aussi pour prévenir l’évolution possible vers un coma acidocétosique. Comme les diabétiques de type 1 sont obligatoirement traités par insuline, leur risque d’un coma hypoglycémique est également plus élevé que chez les diabétiques de type 2.
Ø Sans traitement, un diabète peut évoluer plus ou moins rapidement à la mort, soit par une montée excessive, soit par une baisse subite de la glycémie, et entraîner des états comateux en phase aiguë, ou, à plus long terme, des complications graves d’ordre vasculaire principalement.
o Les états comateux provoqués par le diabète :
- Dans le diabète de type 1, on risque surtout l’évolution rapide vers l’acidocétose (état et coma diabétique acidocétosique). Un diagnostic précoce ainsi qu’un traitement immédiat, nécessairement à l’insuline, sont indispensables.
- En cas d’hyperglycémie aiguë et par forte dérégulation du diabète de type 2, c’est le plus souvent un coma non cétosique par hyperosmolarité plasmatique et déshydratation sévère qui peut survenir (coma diabétique hyperosmolaire).
- Lorsqu’un diabète (quel qu’en soit le type) est traité par l’insuline ou même par certain médicaments oraux (surtout les sulfonylurées), des réactions hypoglycémiques imprévisibles peuvent survenir à la suite de doses trop élevées, ou lorsque les besoins en insuline diminuent brusquement sans que la dose n’ait été modifiée : c’est le cas p.e. lors d’une activité physique trop importante ou en supprimant un repas. Il s’agit alors d’un coma hypoglycémique. C’est de loin le type de coma le plus fréquent chez les diabétiques.
- L’acidose lactique par augmentation du lactate (manque d’épuration en cas d’insuffisance hépatique et/ou rénale) peut être observée chez les diabétiques, notamment ceux traités par les biguanides (la metformine est le seul biguanide qui reste sur le marché). Ce type de coma par acidose lactique est fort rare mais cependant souvent mortel.
Le diagnostic précis du type de coma se fait aux urgences où la réadaptation du traitement et la correction de tous les paramètres sont effectués.
o Les complications à long terme du diabète :
Quand, dans n’importe quel type de diabète, on a pu échapper à une phase aiguë entraînant un coma, des taux sanguins de glucose dépassant nettement certaines limites persistent, d’autres complications finissent par arriver irrémédiablement. Elles sont essentiellement d’ordre vasculaire et nerveux, les deux étant liés. Ce sont :
- Une atteinte des vaisseaux sanguins et des capillaires par glycation non enzymatique des protéines suite à un taux de sucre trop élevé (réaction de Maillard) : les produits terminaux de cette réaction font que des lésions se forment et bouchent les parois des artères et artérioles, ce qui amène des séquelles micro- et macrovasculaires (angiopathie) :
§ Microvasculaires : lésions des petits vaisseaux au niveau du rein, de la rétine, des tissus nerveux par mauvaise irrigation sanguine. Celles-ci sont plus fréquentes chez les diabétiques de type 1 insulinodépendants.
§ Macrovasculaires : lésions des grandes et moyennes artères, causes d’ischémie myocardique (angine de poitrine, infarctus du myocarde), mais aussi des athéromes et des embolies au niveau d’autres organes, des accidents vasculaires cérébraux, de l’athérosclérose, de l’hypertension artérielle. Les complications cardiovasculaires sont plus fréquentes chez les diabétiques de type 2, surtout s’ils sont obèses.
- Une atteinte neurologique :
§ Soit périphérique, appelée neuropathie ou polynévrite diabétique (troubles de la sensibilité, douleurs).
§ Soit végétative atteignant les systèmes ortho- et parasympathiques (tachycardie, hypotension orthostatique, troubles digestifs et intestinaux, troubles de la miction (neuropathie vésicale), troubles de l’érection (impuissance).
- Une atteinte rénale (néphropathie diabétique) par des lésions aux petits vaisseaux des reins qui apparaissent parfois tôt dans l’évolution. Différents types de néphropathie peuvent survenir, souvent accompagnés d’hypertension artérielle et/ou de microalbuminurie. L’insuffisance rénale est une étape terminale dans beaucoup de diabètes de type 1 et 2.
- Une atteinte de l’œil, attaquant principalement la rétine (rétinopathie diabétique) et amenant de la cécité. D’autres complications oculaires sont possibles.
- Une atteinte des tissus du pied (pied diabétique), tant par une neuropathie que par une angiopathie diabétique, se manifestant souvent par des lésions qui nécessitent l’amputation.
- Une baisse de l’immunité et donc une sensibilité accrue aux infections cutanées et autres (abcès, furoncles, candidose, infections urinaires).
Ø Finalement, il faut souligner que les personnes souffrant de diabète de type 2 sont très souvent obèses et présentent des hyperlipidémies (trop de triglycérides, trop de LDL- ou mauvais cholestérol, et trop peu de HDL- ou bon cholestérol), ce qui contribue à provoquer de l’athérosclérose et de l’hypertension artérielle, affections qu’il y aura lieu de bien traiter, simultanément au diabète.
Je voudrais clore cet article sur une bonne note quand même : le traitement des 2 types diabète, instauré le plus tôt possible, permet de reculer l’échéance de toutes ces complications, et même d’y échapper peut-être définitivement. Plus les taux des glycémies sont ramenées à des valeurs approximant la normale (régulation stricte), davantage la survenue de complications sera reportée. Dans l’ensemble, une fois passée la période difficile à gérer (10 à 20 ans après le diagnostic du diabète) sans que des complications graves n’aient apparu, on a de bonnes chances de mourir d’autre chose que du diabète.
Le pronostic du diabète de type 1 est bien entendu plus réservé que celui du type 2, mais les techniques actuelles et les nouvelles insulines ont permi des progrès considérables.
La base du traitement correct de tout diabète consiste donc à maintenir des glycémies normales pour arriver à vivre sa vie normalement, sans avoir à redouter les terribles séquelles de cette maladie (à suivre).
Luc Vangermeersch, le 7 avril 2013.