J’ai arrêté le Januvia®
"What emerges is the need to spend more time educating patients on what is out there and the comparative risks and benefits," … "Doctors should continue to be doctors and personalize therapy."
Vanita R Aroda, MD, from MedStar Health Research Institute, Hyattsville, Maryland.
“Il apparaît qu’il faudrait éduquer les patients plus longuement sur les faits et de comparer risques et bénéfices " … "Les médecins devraient rester des médecins et personnaliser les traitements."
Dr. Aroda, de l’Institut de Recherche MedStar Health à Hyattsville, dans le Maryland.
Après avoir, dans le numéro précédent, alerté le lecteur concerné sur les éventuels dangers (possibilité de pancréatite, de cancer du pancréas) lors de la prise de médicaments qui augmentent les incrétines, je me propose cette fois de discuter de l’opportunité ou non d’encore initier, ou même carrément de stopper ce type de traitement.
Mais auparavant, je désire dire clairement, qu’en aucune façon la décision de modifier ou d’arrêter un traitement antidiabétique quelqu’il soit, ne peut se faire sans le consentement du médecin traitant. Seul le/la généraliste ou le/la diabétologue peut vraiment décider si un patient diabétique de type 2 peut se passer d’une médication, car cela ne peut se faire que sous certaines conditions dont il/elle est seul(e) à pouvoir juger en âme et conscience. Je vous propose cette lettre comme base de discussion à ouvrir avec votre médecin si vous le désirez.
Tout dépend évidemment du stade débutant ou avancé, très bien réglé ou, au contraire, déréglé ou compliqué de votre diabète T 2.
S’il s’agit d’un diabète de longue date, accompagné de complications cardio-vasculaires ou rénales, de microangiopathie (rétinopathie ou neuropathie diabètique), si vous êtes réglé(e) de manière insuffisante (HgbA1c > 7,5 % [> 58 mmol/mol]), avez des glycémies à jeun et postprandiales au dessus de la normale, il est pratiquement hors de question de même songer à alléger le traitement. Au contraire, il s’agit alors de consulter d’urgence son médecin traitant afin d’essayer de ramener les paramètres à des taux acceptables.
Si vous faites partie du groupe des «bien réglés», c.-à-d. présentant un taux d’HgbA1c égal à, ou mieux encore, à moins de 6,5 % [48 mmol/mol], et des glycémies à jeun moyennes de < 110 mg/dL [< 6,1 mmol/L], alors il est envisageable de demander à votre médecin si la suppression de votre médicament à base d’incrétine est justifié.
A titre d’exemple, je vous propose d’examiner mon cas personnel plus en détail : je suis diabétique T2 depuis plus ou moins 20 ans et, exeptée une hypertension artérielle, n’ai eu à souffrir d’aucune complication inhérente à cette maladie jusqu’à présent. Mon taux d’HgbA1c n’a jamais dépassé 5,6 % [38 mmol/mol], les deux derniers taux étaient de 4,7 % [28 mmol/mol] suite au mode de vie alimentaire correctement suivi (voir l’article n° 5). En effet, j’ai maigri de 17 kg en partant d’un poids initial de 77 kg. Il s’agit d’une perte de poids de > 20 % sur 20 ans. Je prends quelques médicaments classiques, tels que la metformine (Glucophage®, 2 x 850 mg/jour) ainsi que la glibenclamide (Daonil®, 1 x 2,5 mg/jour) depuis quelques années. Je prenais la sitagliptine (Januvia®, 100 mg/jour) également depuis quelques années, suite aux avantages possibles procurés par cette molécule dans le diabète (décrits dans le numéro précédent).
J’ai arrêté le Januvia® ! Pour moi, l’article alarmant, paru dans le British Medical Journal du 10 juin 2013 (voir numéro précédent) a été décisif : je n’ai aucune envie de jouer à la roulette russe en continuant de prendre ce type de médicament, tant qu’il n’est pas prouvé à 100 % qu’il ne provoque aucun cancer du pancréas. Ce type de cancer est presque toujours mortel à court terme, encore à l’heure actuelle. Alors, une femme ou un homme averti…
Je pouvais largement me permettre d’éliminer le Januvia® du traitement, vu l’état d’évolution très favorable de mon diabète T2 décrit ci-dessus. En espérant pouvoir faire profiter tous mes semblables de l’expérience vécue, je leur conseille, encore une fois, de demander d’abord l’avis de leur médecin avant de prendre une telle décision. Peut-être faudra-t-il renforcer le traitement d’une façon ou d’une autre, afin de compenser l’élimination de cette molécule-ci, ou d’un autre stimulant des incrétines que vous désirez arrêter ?
À titre d’information, et en comparaison, je vous présente mes taux de glycémies moyennes à jeun d’avant et d’après l’arrêt du Januvia® (mesures effectuées sur sang capillaire par lecteur de glycémie OneTouch Ultra®2) :
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Glycémies moyennes à jeun avant l’arrêt du Januvia® : 78 mg/dL [4,3 mmol/L], (moyenne de 33 mesures)
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Glycémies moyennes à jeun après l’arrêt du Januvia® : 83 mg/dL [4,6 mmol/L], (moyenne de 33 mesures)
Pour ce qui est de l’HgbA1c, celle d’avant le changement thérapeutique était de 4,7 % (28 mmol/mol), mesure effectuée un peu moins de 3 mois avant l’arrêt, et celle d’après de 5,0 % (31 mmol/mol), mesure effectuée 31 jours après l’arrêt. Je rappelle que l’objectif optimal pour un diabète de type 2 est de < 6,5 % (< 48 mmol/mol).
La comparaison peut se faire en excluant toute variation dans l’alimentation, le mode de vie ou la médication pendant toute la période examinée. Nous constatons donc une légère augmentation des moyennes glycémiques et de l’HgbA1c après l’arrêt du Januvia®, mais de manière telle qu’aucune adaptation thérapeutique ne s’avère nécessaire puisque les valeurs glycémiques à jeun demeurent parfaitement dans les normes. Il en est de même pour les valeurs postprandiales et l’hémoglobine glyquée.
Ceci n’a évidemment pas valeur d’article scientique où il s’agit de comparer des données sur un grand nombre de cas, et de préférence randomisés et en double aveugle. Ce n’est qu’un cas anecdotique. Cependant, il informe le public intéressé de la possibilité, sous certaines conditions, de prévenir la survenue d’éventuels effets indésirables inadmissibles, tels que certains cancers, provoqués par des incrétinomimétiques ou des inhibiteurs de la DPP-4.
Si les paramètres mesurés après l’arrêt du médicament incriminé s’avèrent dépasser les normes requises, il sera toujours temps, soit de le reprendre ce dernier, soit d’augmenter la ou les doses des autres médicaments antidiabétiques que vous prenez. Mieux encore consiste à essayer de parfaire votre hygiène alimentaire et d’augmenter vos performances sportives. On n’a pas idée comment un bon effort physique ajusté à votre niveau, pendant ne fut-ce qu’un quart d’heure, peut faire baisser une glycémie.
Tout ceci n’est qu’une vision personnelle. La grande majorité du monde des spécialistes du diabète ne considère pas, pour le moment, qu’il s’agisse d’une alarme majeure, et continue de recommander les médicaments à base d’incrétines, tant que d’autres études ne prouvent pas leur dangerosité de manière plus évidente.
(À suivre).
Luc Vangermeersch, 16 juillet 2013.