L'hypoglycémie
L’hypoglycémie, ou baisse anormale du taux de glucose sanguin, est la complication que les patients diabétiques, mais aussi les médecins traitants, craignent le plus. Elle est la cause majeure des interventions d’urgence à l’encontre d’une population diabétique sous traitement, soit par insuline, soit par médicaments antidiabétiques oraux (les sulfonylurées et les glinides ou insulinosécréteurs non sulfamidés principalement). Nous n’aborderons pas ici l’hypoglycémie réactionnelle des non diabétiques.
Une hypoglycémie peut être considérée comme légère et sans danger, tant que le malade peut se soigner par lui-même et récupérer une glycémie normale rapidement. Ceci se passe heureusement dans la grande majorité des cas de diabète de type 2, mais nettement moins chez les diabétiques de type 1 chez qui beaucoup d’hypoglycémies sont relativement plus graves. L’hypoglycémie devient sévère à partir du moment où l’intervention de tierces personnes est requise [1].
Les symptômes de l’hypoglycémie apparaissent autour de < 63 mg/dL (< 3,5 mmol/L) mais ce n’est pas toujours le cas [2].
Sous la barre de 60 mg/dL de glucose dans le sang (moins de 3,3 mmol/L), un diabétique peut se considérer en hypoglycémie. Entre 59 et 50 mg/dL (3,2-2,7 mmol/L), l’épisode est généralement qualifié de modéré et facilement corrigible par le patient. Sous les 50 mg/dL (<2,8 mmol/L), l’urgence devient pressante et le coma hypoglycémique est patent sous les 30 mg/dL (< 1,7 mmol/L) [3], [4].
La sensibilité à l’hypoglycémie diffère d’une personne à l’autre et aussi d’une circonstance à l’autre, par exemple en fonction de la rapidité de cette baisse glycémique, ou de la fréquence de survenue des épisodes, ou encore de la quantité d’alcool que la personne a ingurgitée. Toutes les personnes en hypoglycémie ne ressentent pas ces symptômes de la même façon et certaines peuvent tomber dans un coma hypoglycémique sans même s’en rendre compte.
Quels sont maintenant les symptômes de l’hypoglycémie ?
Symptômes de l’hypoglycémie
Ils sont multiples et il est important de les distinguer en :
-
Symptômes physiques liés au stress provoqué par l’hypoglycémie : il s’agit par la sécrétion réactionnelle d’hormones de contre-régulation (l’hormone de croissance, le glucagon, les catécholamines : adrénaline et noradrénaline), le cortisol. Les catécholamines surtout sont responsables de la réaction adrénergique, donc du dérèglement neurovégétatif :
- pâleur du visage
- palpitations, tachycardie
- nausées
- sueurs, transpiration excessive, sensation de chaleur
- anxiété, nervosité, irritabilité, tremblements, absence de désir sexuel, baisse de la libido[5]
Ces symptômes, souvent brutaux, sont favorisés par le jeûne et l’exercice physique. A noter que lors de la baisse de la glycémie suite à une injection d’insuline chez des témoins, on observe que le glucagon, l’adrénaline et l’hormone de croissance sont sécrétés lorsque la glycémie tombe en dessous de 65 mg/dL (< 3,6 mmol/L). Le cortisol est sécrété lorsque la glycémie descend en dessous de 60 mg/dL (< 3,3 mmol/L). Les symptômes apparaissent lorsque la glycémie est inférieure à 55 mg/dL (< 3,0 mmol/L) [6].
2) Symptômes témoignant d’une neuroglucopénie, c.à d. d’une souffrance des neurones du cerveau liée au manque de glucose (surtout lorsque la glycémie descend en dessous de 50 mg/dL ou 2,8 mmol/L. Des troubles cognitifs peuvent apparaître en dessous de 35 mg/dL ou 2 mmol/L [7]). Bien que divers, ces symptômes sont généralement similaires d’un épisode à l’autre chez un même patient :
- état de faiblesse (fatigue, asthénie) pouvant évoluer rapidement jusqu’à la perte de conscience et au coma hypoglycémique
- maux de tête, vertiges, étourdissements
- forte envie de manger, faim impérieuse
- difficultés à s’exprimer, à se concentrer intellectuellement, à bouger (faiblesse, les jambes se dérobent), discours incohérent
- troubles psychiatriques, multiples et trompeurs : confusion aiguë, agitation, troubles de l’humeur et du comportement (euphorie, agressivité, tristesse), état pseudo-ébrieux...
- troubles neurologiques parfois sévères : hyperactivité, tremblements, convulsions focales ou généralisées, troubles sensitifs, paresthésies d’un membre, hémiparésie, paresthésies péribuccales, paralysie faciale, troubles moteurs, troubles de la coordination des mouvements, troubles visuels tels que la diplopie ou une vision trouble.
3) Le coma hypoglycémique se caractérise par :
- un début souvent brutal
- de profondeur variable, parfois très profond
- souvent agité, accompagné de sueurs profuses
- accompagné de signes d’irritation pyramidale et d’hypothermie
Chez tout patient présentant des troubles de conscience de quelque profondeur que ce soit, la règle générale est de mesurer immédiatement la glycémie.
Lorsque la crise d’hypoglycémie survient la nuit, elle peut provoquer :
- des insomnies (ce qui permet heureusement de faire un contrôle glycémique au glucomètre, puis de passer au traitement approprié)
- des sueurs nocturnes (draps de lit ou vêtements trempés), une sensation de chaleur
- des cauchemars
- de la fatigue, de l’irritabilité et de la confusion au réveil
Le diagnostic de l’hypoglycémie
Le diagnostic d’hypoglycémie repose sur la constatation simultanée de signes de neuroglucopénie et d’une glycémie basse, et sur la disparition des symptômes lors de la normalisation de la glycémie : (triade de Whipple).
Dans cette définition, deux points méritent l’attention :
– les symptômes et la glycémie basse doivent être simultanés ;
– les symptômes spécifiques de neuroglucopénie doivent être différenciés de ceux, peu spécifiques et inconstants, de la réaction adrénergique (troubles neuro-végétatifs) qui accompagne l’hypoglycémie.
Ainsi, une glycémie basse isolée ne suffit pas à poser le diagnostic : la glycémie normale d’une femme après 72 heures de jeûne peut atteindre 0,30 g/L (1,7 mmol/ L). La correction des symptômes après prise d’une boisson sucrée est, dans le cas général en dehors du diabète, de bien peu de spécificité.
Le niveau « seuil de glycémie » habituellement retenu pour le diagnostic d’une hypoglycémie en dehors du diabète est de 0,50 g/L (2,8 mmol/L). Chez le diabétique, la valeur retenue est de 0,60 g/L (3,3 mmol/L).[8]
Une hypoglycémie sévère durable doit être évitée à tout prix :
Une glycémie inférieure à 20 mg/dL ou 1,1 mmol/L pendant plus de deux heures peut induire une nécrose cellulaire responsable de séquelles irréversibles. [9]
La sensibilité à l'hypoglycémie diminue au fur et à mesure de la survenue des crises.
Ainsi, les diabétiques souffrant d’hypoglycémies trop fréquentes en ressentiront les symptômes de plus en plus tard et de moins en moins forts. Ils s'exposeront à la survenue d'hypoglycémies plus graves par la suite: « Lors de la répétition des épisodes d’hypoglycémie, en particulier chez le diabétique traité par insuline, les seuils de sécrétion des hormones de contre-régulation s’abaissent, les symptômes neurovégétatifs s’atténuent, ou sont retardés, de sorte que les symptômes de dysfonction cérébrale passent alors au premier plan. »[10]
L’hypoglycémie chez le diabétique.
Les hypoglycémies ne s’observent que chez les diabétiques traités par l’insuline, les sulfonylurées (sulfamides hypoglycémiants tels que glibenclamide, gliclazide, glimépiride, glipizide, etc.) ou le glinide (répaglinide).
Les hypoglycémies sont plus fréquentes chez les diabétiques proches des objectifs thérapeutiques (HbA1c < 6,5-7 %). A niveau glycémique égal chez les diabétiques traités par insuline, les analogues de l’insuline, rapides (asparte, lispro et glulisine) ou lents (détémir, glargine) s’associent à un peu moins d’hypoglycémies que l’insuline.[11]
Une hypoglycémie significative peut accroître le risque de maladie cardiovasculaire, notamment des troubles de repolarisation à l’électrocardiogramme et des troubles du rythme médiés en partie par un pic adrénergique[12]
Les causes d’hypoglycémie chez le diabétique
Chez les patients diabétiques, l’hypoglycémie peut être causée par une variété de circonstances [13] :
- changements de comportement, d’habitudes, de style de vie
- problèmes psychologiques
- changements dans les doses thérapeutiques (presque exclusivement les traitements par insuline, sulfonylurées et glinides)
- dose d’insuline excessive par rapport à la quantité de glucides réellement consommée
- décalage d’un repas, repas trop léger ou absence d’un repas
- délai trop long entre l’injection d’insuline (ou la prise de la sulfonylurée) et l’ingestion de glucides (risque majoré par la gastroparésie)
- activité physique imprévue ou plus forte que prévue, non précédée d’une diminution de dose d’insuline ou d’un repas plus riche en glucides
- diminution des besoins en insuline lors de la guérison d’événements intercurrents tels que la grippe, une chirurgie, l’arrêt d’un traitement hyperglycémiant (en particulier les glucocorticoïdes), etc…
- absorption trop grande d’alcool, surtout à jeun
- un temps très chaud (chaleur caniculaire) peut déséquilibrer la glycémie dans un sens comme dans l'autre, en constituant un stress pour l'organisme, ce qui peut augmenter le taux de sucre dans le sang (effet adrénergique). Mais en cas de chaleur moins extrême, le corps réagit mieux à l'insuline, ce qui peut au contraire diminuer la glycémie [14].
Que faire en cas d’hypoglycémie ?
Il s’agit d’une situation d’urgence qu’il faut traiter immédiatement !
Deux situations peuvent se présenter :
1. Dès que les premiers signes de l’hypoglycémie se font sentir (à confirmer par une glycémie capillaire de préférence) et que la personne est consciente et peut se « traiter » seule, c.à d. corriger sa glycémie trop basse, elle doit arrêter toute autre activité et se « resucrer » avant tout. Si elle est en voiture, elle doit se garer rapidement et en toute sécurité. Ensuite, elle peut se resucrer mais pas trop ! 15 grammes de glucides suffisent : 15 g de dextrose, par exemple, ou 3 morceaux de sucre, un verre de jus de fruit, un verre de soda non light, 1 cuillère à soupe de confiture ou de miel. A éviter : le chocolat ou les fruits, dont l’effet hyperglycémiant est plus lent et moins constant.
Il faut contrôler la glycémie capillaire après 30 minutes. Reprendre 15 g de glucides rapides si l’hypoglycémie persiste.
2. Si la personne n’est pas en état de se resucrer seule, l’intervention de l’entourage s’impose, toujours en urgence.
Éventualités :
- L’entourage détecte les signes de l’hypoglycémie chez une personne semi-consciente qui nie faire une hypoglycémie : il faut aider en douceur la personne à se resucrer, même si la convaincre n’est pas toujours chose facile.
- Si la personne est inconsciente (coma, agitations, convulsions…) : il ne faut surtout pas qu’elle avale du sucre ou quoi que ce soit d’autre: l’aliment risquerait de passer dans les voies respiratoires et de l’étouffer (pneumopathie d’aspiration de nourriture ou de liquide dans les poumons).
- Si la personne est traitée par insuline et que vous savez faire une injection, vous pourrez pratiquer une injection de glucagon. Il est important d’avoir ce médicament sous la main et de s'entraîner à faire des injections afin de ne pas paniquer le jour de la crise.
- Si l’on ne parvient pas à gérer la situation, contacter les secours: composer le 15 depuis un téléphone fixe pour toute urgence médicale ou le 112 depuis un téléphone portable (pour la France). Pour la Belgique : 112 ou 100. Le 112 est le numéro d’appel d’urgence médicale valable pour toute l’Europe.
En cas de crises d’hypoglycémie sévère, surtout si elles sont fréquentes, il faut chercher à comprendre le malaise hypoglycémique en analysant les circonstances et les causes de la survenue (retard dans la prise d’un repas, dose d’insuline inadaptée au repas ou à l’activité physique...) et en discuter avec votre médecin[15].
Hypoglycémies en dehors du diabète
Il existe de nombreux cas d’hypoglycémie non liée à un diabète, par exemple :
- L’alcoolisme (alcoolisation aiguë, souvent massive, à jeun)
- L’insuffisance rénale et hépatique sévère
- L’insuffisance surrénale ou corticotrope
- Les médicaments (les hypoglycémiants, mais aussi d’autres médicaments tels que la quinine et ses dérivés, la phénylbutazone, le dextropropoxyphène…)
- Les hypoglycémies tumorales (surtout l’insulinome)
Comme ce sujet n’entre pas vraiment dans le cadre de cet article, je vous réfère à la littérature scientifique appropriée pour en savoir plus.
A suivre,
Luc Vangermeersch, le 22.08.2015
Bibliographie :
[1] http://www.medscape.com/viewarticle/839814?src=wnl_edit_tpal&uac=202285ET (consulté en juillet 2015)
[2] https://www.google.fr/#q=crit%C3%A8res+de+l%27hypoglyc%C3%A9mie (consulté en août 2015)
[3] http://www.sfendocrino.org/article/390/item-206-ndash-hypoglycemie (consulté en juillet 2015)
[4] http://www.medecine-et-sante.com/maladiesexplications/comahypoglycemique.html (consulté en août 2015)
[5] http://www.dieponline.be/fr/vivre-avec/desir-sexuel-mais... (consulté en août 2015)
[6] http://campus.cerimes.fr/endocrinologie/enseignement/item206/site/html/cours.pdf (consulté en août 2015)
[7] Ibidem 5
[8] Ibidem 2
[9] https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypoglyc%C3%A9mie (consulté en juillet 2015)
[10] http://campus.cerimes.fr/endocrinologie/enseignement/item206/site/html/cours.pdf (Collège de Enseignants d'Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques (CEEDMM) - Item 206 Hypoglycémie
[11] Ibidem 2
[12] http://www.diabetologie-pratique.com/emaildirect/ada-2015/articles/hypoglycemie-quand-lecg-tremble-chez-le-patient-dt2 (consulté en août 2015)
[13] Ibidem1 & 3
[14] http://www.e-sante.fr/diabete-chaleur-maintenir-sa-glycemie-en-ete/actualite/1242 (consulté en août 2015)
[15] http://www.afd.asso.fr/diabetique/glycemie/hypo (consulté en août 2015)