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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 17:49

Photo : http://www.voixdespatients.fr

 

Diabète, cancer et stress : la relation

 

     Il est bon de temps en temps de distraire le lecteur en lui racontant des anecdotes. Celle-ci m’est arrivée tout récemment et me paraît particulièrement édifiante. Elle met en relation le diabète, le cancer et le stress. Nous allons voir qu’il existe entre ces affections un rapport indéniable.

 

     Il aura fallu que j’aille consulter une dermatologue pour un banal eczéma, pour que celle-ci me découvre un cancer, et oui… un mélanome situé sur le rebord postérieur du lobe de mon oreille gauche. Il s’agissait d’une grosse tache noire, comme un grain de beauté, qui pour moi restait invisible même dans un miroir. Un jour, en retournant le lobe de cette oreille pour je ne sais quelle raison, je m’en suis aperçu et dit à mon épouse qu’il vaudrait mieux que j’aille consulter en dermatologie. Mais l’examen fut différé et plus ou moins oublié.

 

     Finalement, un eczéma tenace à la jambe fit que je me rendis chez une spécialiste en dermatologie de ma région, connue pour son grand professionnalisme.

 

     Après les questions de routine sur mes antécédents et avoir entendu mes plaintes, celle-ci m’examina attentivement de la tête au pied, fit des photos de mes taches d’eczéma et déclara : « Ce n’est vraiment rien de grave, une pommade à base de cortisone pendant une dizaine de jours vous calmera les symptômes, ensuite on verra… ».

 

     Tranquillisé, je me souvins subitement de ma tache noire à l’oreille : « A propos, que pensez-vous de cette tache à l’oreille ? ». J’avais à peine terminé ma phrase que la doctoresse me dit : « Je l’avais remarquée ! Ceci est plus inquiétant et même très suspect. Vous avez ça depuis quand ? ». « Depuis deux ou trois ans », lui répondis-je sans grande conviction. Elle fit de nombreuses photos de la lésion en macrophotographie, et me les fit voir. « Je suis pratiquement certaine qu’il s’agisse d’un mélanome de Dubreuil », me déclara-t-elle. « C’est une forme de mélanome moins dangereuse que les autres, dû au soleil, et atteignant principalement les personnes âgées. Mais c’est en principe un cancer, et il vous faut une biopsie d’urgence ».

 

     J’étais abasourdi. La belle affaire, en plus de mon diabète, me voilà accablé par un cancer !... Il n’y avait aucun doute, cette excellente dermatologue n’avait pas raté son diagnostic : elle me montra tous les signes spécifiques présents en cas de mélanome et je dus bien me rendre à l’évidence.

 

     Cependant, l’intervention de cette doctoresse ne s’arrêtait pas là. En effet, ordonner une biopsie d’urgence à l’oreille en plein mois d’août en France n’est pas facile. Voici ce qu’elle me proposa : « Je donne quelques coups de téléphone à ‘La Timone’ (CHU de Marseille) aux services dermatologie et ORL (oto-rhino-laryngologie), et je vous arrange un rendez-vous pour effectuer la biopsie, en ambulatoire… Je vous appellerai dès que j’aurai des nouvelles ».

 

     Dans la voiture en rentrant chez moi, je racontai toute l’entrevue à mon épouse, et, ce faisant, je sentis déjà le stress s’emparer de moi. « Doit-on vraiment t’envoyer à Marseille pour une simple biopsie ? » me dit-elle. « N’y a-t-il pas un chirurgien à Avignon qui puisse le faire ? ». Je lui répondis qu’il ne s’agissait pas d’une simple biopsie, mais qu’il fallait en fait enlever et examiner sous le microscope la plus grosse partie d’un mélanome, un cancer de la peau potentiellement dangereux si par exemple ses cellules se disséminaient. Pour cette opération délicate, mieux valait s’adresser à un chirurgien compétant ayant la confiance du médecin traitant. Le service de dermatologie de ‘La Timone’ offrait ce service selon ma dermatologue. J’avais déjà décidé de lui faire confiance.

 

     Quelques jours plus tard, alors que le mois d’août s’avançait et qu’elle était maintenant elle-même en vacances, je reçu un coup de fil de ma dermatologue : « Vous avez rendez-vous dans deux jours à Marseille pour la biopsie. J’ai tout arrangé. Vous arrivez là à midi, vous serez d’abord vu par ma collègue dermatologue, ensuite par le chirurgien ORL qui pratiquera immédiatement l’intervention. Cela vous convient-il ? ».

 

     J’acceptai, bien-sûr. Un stress latent me taraudait l’esprit et je ne demandais pas mieux que de faire enlever cette tumeur le plus rapidement possible. Mais chapeau au médecin qui, pendant ses vacances, se préoccupe de ses malades de la sorte. Elle aurait pu attendre la rentrée au premier septembre. Je me dis que, sans doute, il y avait tout de même une certaine urgence…

 

 

 

 

 

L'hôpital "La Timone" à Marseille

 

 

 

 

 

 

     Le jour dit, à ‘La Timone’ les choses furent menées rondement : confirmation du diagnostic suspect par la dermatologue universitaire, et intervention sans problème sous anesthésie locale immédiatement après par le chirurgien ORL. Ce dernier me fit savoir que l’attitude lors du suivi dépendrait du résultat de la biopsie. Si le résultat indiquait une épaisseur trop grande du mélanome (l’indice de Breslow[1]) de plus de 0,76 mm, accompagné d’une perforation de la membrane basale de l’épiderme par celui-ci, il faudrait sans doute rechercher un ganglion satellite afin de déterminer s’il était éventuellement envahi, et alors le prélever. Il faudrait aussi pratiquer des scanners de la totalité du corps afin de rechercher d’éventuelles métastases !

 

     Il n’en fallait évidemment pas plus pour faire accroître mon stress. Seul élément rassurant : si le diagnostic se limitait à un « carcinoma in situ », ce qui désigne un cancer sur place, non-disséminé, alors il ne faudrait probablement procéder qu’à une deuxième intervention mineure sur l’oreille. Le tissu supplémentaire à prélever et le type d’opération à effectuer dépendraient du diagnostic anatomopathologique, c.à d. de l’épaisseur du mélanome dans ce cas de figure.

 

     Les soins post opératifs de la plaie me furent merveilleusement bien prodigués par les deux infirmières associées de mon village. Huit jours après l’intervention, elles purent ôter les fils et la plaie était guérie.

 

     J’étais donc en attente du protocole d’anatomopathologie de la biopsie pratiquée à ‘La Timone’. On m’avait dit que cela durerait 2 semaines environ pour l’obtenir. Au fur et à mesure que le temps passait, mon angoisse se précisait : et si ce mélanome s’était métastasé ? Il ne me resterait plus alors qu’à subir la chimio, des souffrances qui n’iront qu’en s’aggravant, pour aboutir à quoi ? Je ne connaissais que trop bien le pronostic des mélanomes métastasés : la mort dans presque tous les cas. Même à 70 ans, je trouvais cela un peu tôt. Ma seule consolation si ça devait être le cas: retourner en Belgique et, le moment voulu, demander l’euthanasie.

 

     Oui j’étais pessimiste, car réaliste. Toute ma vie, j’ai eu horreur de la souffrance, tant pour les autres que pour moi-même. Sans doute est-ce essentiellement pour cette raison que j’ai voulu devenir médecin. Devenir dépendant m’est tout aussi insupportable. En aucun cas je ne désire devenir une charge pour mon épouse, pour mes enfants, pour la société. Heureusement, mourir dignement, sans trop de souffrances, quand et comment on le décide, n’est plus une utopie aujourd’hui.

 

     Le verdict allait tomber. Il ne restait plus qu’un jour avant la date présumée. Ma patience était à bout. Le doute m’était devenu insupportable. Ma souffrance morale devait maintenant s’arrêter. Nerveux, je pris mon téléphone et appelai ‘La Timone’ : « Service de dermatologie ? J’appelle pour mon résultat… ». La secrétaire : « Oui Monsieur, veuillez épeler votre nom…. Votre résultat n’est pas arrivé ». Je lui demande qu’elle veuille bien me le communiquer par e-mail dès réception. Réponse : « Nous ne communiquons aucun résultat aux malades. Il faut que vous le receviez du médecin dermatologue personnellement ». Je lui demande si le médecin me contactera ? Réponse : « Je lui transmets le message… Bonne journée ».

 

     Comme service public s’adressant à des malades bien souvent en souffrance, il y en a de plus aimables…

 

     Entretemps, un autre problème avait surgi : mon diabète (de type 2) commençait à se dérégler légèrement. Mes glycémies moyennes, situées d’habitude entre 80 et 90 mg/dL (= entre 4,4 et 5 mmol/L) montaient allégrement jusqu’au-delà de 100 mg/dL (5,5 mmol/L) sans que je ne puisse en déceler la cause à première vue : pas de changement alimentaire ni de mode de vie, pas d’infection ni d’inflammation, pas de changement de poids. J’adaptai légèrement les doses d’insuline à la hausse, mais rien n’y fit. Après avoir éliminé tous les facteurs pouvant engendrer une hausse de la glycémie, il n’en restait plus qu’un de vraiment plausible : le stress.

 

     En effet, le stress ne me quittait plus. Il était pesant, permanent, insupportable. Ce n’était pas un petit énervement passager de rien du tout : il engendrait chez moi des palpitations, des tremblements, des rêves perturbés, des réveils fréquents. Pour moi, il ne faisait pas de doute que la hausse des hormones sympathicotoniques (adrénaline, noradrénaline, cortisol) engendrées par le stress, était aussi à la base du dérèglement glycémique.

 

     La délivrance vint par un simple coup de téléphone : celui de la dermatologue de ‘La Timone’ : « Monsieur, votre résultat est plutôt rassurant. Il s’agit bien d’un mélanome, mais au stade de « carcinoma in situ », localisé donc. Une seconde intervention sur votre oreille sera nécessaire et je vous la conseille : le prélèvement de 0,3 cm de tissu supplémentaire vous mettra à l’abri de toute rechute éventuelle… Aucun autre traitement ne sera encore nécessaire ».

 

     Mon éclatement de joie fut immense. La petite intervention « de nettoyage » ne me gênait nullement. Au contraire, mieux valait ne prendre aucun risque. J’allais donc échapper au pire des maux, le cancer, et pas n’importe quel cancer…

 

     D’emblée, moins d’une heure après l’excellente nouvelle, mes glycémies baissaient ! Je pus même réduire l’insuline comme avant. Le stress était tombé.

 

*

*     *

 

Conclusion :

  1. Selon plusieurs études, il existe un rapport incontestable entre le diabète et certains types de cancer [2], [3], [4]. Cependant, je n’ai pas trouvé d’articles indiquant une incidence augmentée du diabète en cas de mélanome malin.

 

  1. Stress et diabète ne font pas bon ménage non plus. Quelques études intéressantes documentent ce sujet [5], [6], [7].

 

  1. Par cet article anecdotique personnel, j’ai voulu mettre en lumière ces deux aspects.

 

   Luc Vangermeersch, 13 octobre 2014

 

Bibliographie :

 

[2] Harrison, P. “Prediabetes Associated With Increase in Cancer Risk”, Diabetologia. Published online September 8, 2014. Link: http://www.medscape.com/viewarticle/831375?nlid=65285_1982&src=wnl_edit_medn_fmed&uac=202285ET&spon=34

[3] http://www.em-consulte.com/article/219293 (consulté le 17/09/2014): Simon, D. « Diabète et cancer » Doi : MMM-05-06-2009-3-3-ENCOURS-101019-200904620

[4] http://rms.medhyg.ch/numero-252-page-1193.htm (consulté le 17/09/2014): Gariani, K., Tran, Ch., Philippe J., « Diabète et cancer : une association pernicieuse », Rev Med Suisse 2010;6:1193-1198

 

 

 

 

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commentaires

S
Près de 3 millions de Français sont touchés par le diabète. Si elle est mal prise en charge, cette pathologie chronique peut entraîner des complications graves.En effet la glycémie varie selon les besoins.Elle diminue en fonction des efforts, physiques ou intellectuels, et augmente en fonction des apports en sucre (alimentation).En cas d’apport insuffisant de glucose ou d’effort important, le traitement antidiabétique ne prévoit pas ces variations et ne permet pas de réguler la glycémie qui devient trop basse : c’est l’hypoglycémie.En cas d’hypoglycémie, le remède est de manger ou boire immédiatement un aliment contenant du sucre (morceau de sucre, jus de fruits…). Pour bien choisir alors le lecteur de glycémie, il y a de bons conseils sur cette page: http://lecteur-de-glycemie.confort-domicile.com/
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L
Sweetlilou, merci pour ces informations.
S
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> Cordialement
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L
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